Discours par Xavier CHAPUISAT, Président de l’Université Paris-Sud
Monsieur le Président du Conseil Régional d’Ile-de-France

Monsieur le Président du Conseil Général de l’ Essonne,
Madame la Directrice du CNRS,
Mesdames, Messieurs,
Chers Collègues,
Les misérables roseaux pensants que nous sommes ont toujours cherché à observer le monde alentour à une échelle de plus en plus fine. Après la loupe qui nous vient du Moyen-Age, le microscope optique est né au début du 17ème siècle. Mais c’est au siècle passé, le 20ème, que des avancées décisives ont été réalisées. En 1933, le microscope électronique – dans lequel la source lumineuse est remplacée par une source d’électrons – fut mis au point. Enfin la mécanique quantique conduisit en 1981 à l’invention, par deux chercheurs de la société IBM (Zürich), Gerd BINNIG et Heinrich ROHRER, du microscope à effet tunnel. Pour cette découverte, ces deux chercheurs obtinrent, à l’automne 1986, le prix Nobel de physique. Le microscope à effet tunnel a réalisé un rêve de l’homme un peu fantasmatique, « voir » les atomes un par un pour mieux comprendre la matière.
Le prolongement naturel de cette exploration de la matière est de pouvoir observer le temps à une échelle en rapport aux dimensions atomiques afin d’étudier le mouvement des atomes ou des molécules pendant une réaction chimique. Le Centre de cinétique rapide ÉLYSE que nous inaugurons aujourd’hui est d’une certaine façon, la réalisation d’un rêve de chimiste : observer une transformation chimique avec une résolution en temps de quelques femtosecondes. Pour donner un ordre de grandeur de ces temps ultra-courts qui ne parlent guère aux non scientifiques, je rappellerai simplement que la femtoseconde est mille fois plus courte que la picoseconde et qu’en une picoseconde la lumière ne parcourt que 3 millimètres !
La genèse d’ELYSE

Le Centre ÉLYSE est né de la volonté de physico-chimistes, de biophysiciens et d’opticiens d’Orsay et des environs, de mettre en commun des compétences, des ressources humaines et des équipements scientifiques afin de faire progresser la science en étudiant la dynamique des systèmes moléculaires excités par une impulsion rapide d’électrons ou de photons.
Le projet ELYSE a été initié par deux de nos collègues, Jacqueline BELLONI et Michel GAILLARD, qui en ont été les concepteurs et les promoteurs infatigables depuis presque 10 ans. L’Université Paris-Sud a immédiatement reconnu l’intérêt de ce projet mais financièrement elle ne pouvait le réaliser seule. Fort heureusement, le Conseil Régional d’Ile de France et le CNRS ont apporté très tôt leur soutien et le montage financier a pu être définitivement bouclé en 1998 lorsque le Conseil Général de l’Essonne a apporté aussi sa participation.
Sur les 41 MF HT du budget total dont 24 MF d’équipements scientifiques et 17 MF d’infrastructure, la contribution du Conseil Régional d’Ile-de-France a été de 14,5 MF, celle du Conseil Général de l’Essonne également de 14,5 MF, celle du CNRS de 5 MF (venant du département des Sciences Chimiques), et celle de l’Université Paris-Sud, évidemment soutenue par le Ministère de la Recherche, de 7 MF, dont 2 MF sur ses ressources propres. Cet apport peut sembler modeste mais il correspond cependant à un effort important de notre université compte tenu des marges de manœuvre dont nous disposons.
Le Comité de Pilotage d’ELYSE, réunissant les financeurs et les acteurs du projet, a mis en place en Janvier 1999 un Bureau Fonctionnel, présidé par Alain FUCHS. Ce bureau a été chargé, avant démarrage du centre, du suivi technique de la construction du bâtiment 349, et du choix des premiers projets scientifiques à réaliser, une fois le bâtiment réceptionné et les équipements scientifiques installés.
Un projet comme ELYSE doit naturellement s’appuyer sur une structure de recherche identifiée. C’est pourquoi, le Comité de Pilotage a approuvé la création du Laboratoire de Chimie Physique(aujourd’hui UMR 8000) destiné à donner un cadre scientifique et administratif à l’opération ELYSE.
L’ensemble du dossier étant prêt à la fin de 1999, le chantier du bâtiment a débuté le 15 janvier 2000 (par une réparation des dégâts dus à la tempête !), pour s’achever un an plus tard, le 24 Janvier 2001. L’installation des équipements scientifiques principaux est en cours, et les premiers résultats scientifiques sont attendus dans les tout prochains mois.
Les objectifs du centre ELYSE
Dès sa conception, ELYSE a été conçu comme un centre ouvert le plus largement possible. Cette ouverture est d’abord en direction de la très vaste communauté de la physico-chimie d’Orsay et des environs, mais elle l’est bien entendu également en direction des autres équipes françaises et, dès que l’ infrastructure le permettra, des équipes étrangères.
Les projets de recherche qui démarrent en 2001-2002 couvrent d’emblée un champ scientifique très large, qui va de la physique moléculaire à la biophysique. Ils ont en point commun l’usage d’instruments de pointe en chimie physique, comme les deux chaînes laser femtoseconde et l’accélérateur permettant de délivrer des impulsions d’électrons avec une résolution de la picoseconde, ce qui en fait un instrument unique en Europe, et un des trois premiers au monde. Il faut souligner au passage que la construction de ce dispositif a été réalisée par le Laboratoire de l’Accélérateur Linéaire d’Orsay.

Je suis heureux de constater que l’ensemble des chercheurs qui participent au démarrage d’ELYSE partagent l’ambition de réaliser un véritable mélange de cultures scientifiques : celle de la photochimie et de la chimie sous rayonnements, de la photophysique et de la biophysique. On sait que c’est aujourd’hui dans le creuset de l’interdisciplinarité que se forment le plus souvent les découvertes de demain. ELYSE est en cela tout à fait représentative de la recherche moderne.
Structuration, mutualisation et pluridisciplinarité sont également les maîtres mots du projet de Centre Laser de l’Université Paris-Sud, présenté dans le cadre du 12ème Contrat de Plan Etat Région, et qui verra le jour prochainement, étant désormais financé au niveau souhaité. Les discussions sur l’articulation scientifique du Centre Laser avec le Centre ELYSE sont bien avancées et devraient permettre de fructueuses coopérations.
Pendant la durée du prochain contrat quadriennal, le Comité de Pilotage a assigné au projet ELYSE l’objectif de remplir le mieux possible le rôle d’opération scientifique structurante. Il faudra pour cela compléter l’environnement des équipements scientifiques de base et assurer l’animation scientifique du Centre, notamment par un accueil de visiteurs géré par un comité de programme. L’ouverture nécessaire vers le milieu économique constitue également un objectif majeur. Elle passe par une évaluation précise des potentialités de valorisation des recherches menées à ELYSE. Enfin, l’organisation d’un symposium international en cinétique rapide devrait aussi contribuer à la visibilité du centre.

À l’issue de cette phase de démarrage et de montée en puissance, le Centre aura vocation à devenir une infrastructure européenne, dès lors que l’installation et l’organisation du Centre auront fait leurs preuves, et que les travaux qui y seront menés auront fait acquérir à ELYSE la réputation internationale recherchée.
Un tel projet est le résultat de multiples contributions que je souhaite saluer ici publiquement. J’adresse d’abord mes plus sincères remerciements, à vous Monsieur le Président du Conseil Régional d’Ile-de-France, à vous Monsieur le Président du Conseil Général de l’Essonne, et à vous Madame la Directrice du CNRS qui avez apporté le soutien politique et financier nécessaire à l’entreprise. Cette décentralisation du financement de la recherche publique établit le Conseil Régional d’Ile-de-France et les Conseils Généraux, comme des partenaires déterminants d’un établissement tel que l’Université Paris-Sud.

Sur le plan local, mes remerciements vont évidemment à Jacqueline BELLONI et Michel GAILLARD, concepteurs et promoteurs du projet, sans lesquels ELYSE n’aurait pu exister. Ils vont aussi aux membres du bureau fonctionnel d’ELYSE, Alain FUCHS, Christophe JOUVET, Bernard LÉVY, Jean-Louis MARIGNIER, Hugues MONARD et Mehran MOSTAFAVI.

Je n’oublie pas non plus les services de l’UFR et du campus d’ Orsay (et notamment le directeur du campus Jean-Pierre LEMOINE), ainsi que les nombreux collègues, que je ne peux pas tous citer ici : enseignants, chercheurs et personnels techniques (en particulier du Laboratoire de Chimie Physique), dont la contribution à la réussite du projet a souvent été déterminante. Qu’ils trouvent ici l’expression de ma gratitude.
Dans la comparaison que j’ai évoquée en commençant, entre les temps ultra-courts et l’ultra-petit en longueur, j’ai indiqué que la réalisation du microscope à effet tunnel avait débouché quelques années plus tard sur l’attribution d’un prix Nobel. Je forme des vœux pour que les études menées au Centre ELYSE soient également à l’origine de découvertes conduisant à un prix Nobel ! A tout le moins, je suis convaincu que ces recherches contribueront à promouvoir la renommée internationale de nos établissements.
Je vous remercie de votre attention.